Réunis en séance commune le 18 octobre 2022, le conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles et le Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten bij de Balie te Brussel, ont pris connaissance du Règlement (UE) 2022/1904 adopté le 6 octobre 2022 par le Conseil de l’Union européenne et entré en vigueur le même jour.
Les deux conseils condamnent de la façon la plus ferme toute forme de guerre d’agression. Ils manifestent leur solidarité avec les peuples qui en sont les victimes, ainsi qu’avec leurs confrères, membres des barreaux des pays agressés ou poursuivis en raison de l’exercice de leur profession.
Ils entendent rappeler le droit fondamental de toute personne, physique ou morale, de droit privé ou de droit public, à bénéficier de l’assistance d’un avocat, tant à l’occasion d’une procédure judiciaire, administrative, arbitrale ou autre, que pour tout conseil juridique permettant d’éviter cette procédure ou plus généralement, lié à sa situation.
Ce droit est pourtant remis en cause par le Règlement (UE) 2022/1904, en ce qu’il énonce une interdiction de principe de délivrer des « services de conseil juridique » au gouvernement russe ou à des personnes morales, des entités ou des organismes établis en Russie.
Si ce règlement prévoit des exceptions à ce principe, notamment en cas de procédure en justice ou arbitrale, il va à l’encontre du droit à l’assistance d’un avocat dès le moment où un conseil juridique est nécessaire. Et s’il permet la délivrance de services juridiques visant à promouvoir « directement la démocratie, les droits de l’homme ou l’état de droit en Russie », encore ajoute-t-il qu’elle n’est possible que moyennant une autorisation des « autorités compétentes » et « dans les conditions qu’elles jugent appropriées ».
Les avocats sont soumis à une déontologie et à certains principes essentiels qui guident et encadrent l’exercice de leur profession, parmi lesquels le respect du secret professionnel et l’indépendance. Reconnue par les plus hautes juridictions nationales et internationales, cette indépendance s’oppose à ce que quelque autorité extérieure que ce soit, en ce compris les Etats ou toute autre instance internationale, dicte aux avocats les conditions auxquelles ils pourraient accepter ou devraient refuser de défendre une cause que, fidèles au serment qu’ils ont prêté, ils estimeraient juste, en leur âme et conscience.
Les conseils des deux Ordres du barreau de Bruxelles dénoncent l’atteinte que constitue le Règlement (UE) 2022/1904 aux droits fondamentaux de tout justiciable, à l’indépendance de l’avocat ainsi qu’à l’exercice de cette profession. Ils en appellent au Conseil de l’Union européenne afin que le texte en soit modifié et soit rendu conforme à ces droits fondamentaux ainsi qu’aux principes et valeurs qui gouvernent l’exercice de la profession d’avocat.