DROIT FAMILIAL

08

La filiation

Principales dispositions légales applicables :
Articles 62, 312 et suivants du Code civil, pour autant que la législation belge soit applicable, à l’exclusion des dispositions d’une loi étrangère ( Les règles internationales ).

La jurisprudence de la Cour constitutionnelle a sensiblement modifié la portée des dispositions légales qui sont examinées ci-après, qui doivent dès lors être confrontées, dans chaque cas d’espèce, aux décisions rendues antérieurement en cette matière.

8.1

La filiation maternelle

A / L’établissement de la filiation par l’acte de naissance de l’enfant

La loi impose l’établissement automatique de la filiation maternelle via la mention obligatoire du nom de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant.

L’acte de naissance établit donc de plein droit la filiation maternelle de l’enfant, quel que soit l’état civil de la mère.

Ce n’est que dans des hypothèses rares (par exemple, en présence d’enfants trouvés ou nés dans un pays autorisant l’accouchement dans l’anonymat) que la maternité est susceptible d’être établie par des modes subsidiaires, soit par la voie judiciaire (établissement de la maternité par jugement), soit par reconnaissance (établissement volontaire de la maternité).

b / La filiation de la co-parente

La co-parente d’un couple de femmes peut désormais voir sa filiation maternelle établie sans passer par une procédure d’adoption.

Il existe une présomption de co-maternité à l’égard de la co-parente. De plus, celle-ci devient automatiquement la co-mère de l’enfant si le couple lesbien est marié ou si l’enfant naît dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l’annulation du mariage.

La co-parente qui n’est pas mariée avec la mère qui a porté l’enfant peut reconnaître celui-ci.

Elle dispose des mêmes droits en matière d’action en recherche de filiation et d’action en contestation de filiation que l’épouse de la mère de l’enfant.

La présomption légale de co-maternité à l’égard de l’épouse de la mère peut être contestée par :

  • l’épouse,
  • la mère,
  • l’enfant âgé de plus de 12 ans,
  • l’homme qui prétend être le père biologique,
  • la femme qui revendique la co-maternité.

L’action en contestation est déclarée fondée sur base de la preuve que l’enfant n’est pas issu de l’acte de procréation médicalement assistée auquel l’épouse a consenti.

Pour les actions deux en un, l’action en contestation est déclarée fondée sur base de la paternité biologique ou de la preuve que l’enfant est issu de l’acte de procréation médicalement assistée auquel la femme qui revendique la co-maternité a consenti.

Les autres conditions légales sont les mêmes que celles de l’action en contestation de la paternité du mari.

L’action en annulation d’une reconnaissance mensongère de co-maternité est ouverte aux cinq mêmes titulaires.

Si la mère d’un enfant conçu par procréation médicalement assistée dans le cadre d’un projet homoparental s’oppose à la reconnaissance par son ancienne compagne dont elle est séparée et consent à la reconnaissance de son enfant par une nouvelle compagne, l’ex-compagne peut agir en annulation de la reconnaissance pour y substituer sa propre co-maternité.

" La loi organise
l’établissement de
la filiation maternelle
et paternelle "

8.2

La filiation paternelle

La loi mentionne trois modes d’établissement de la filiation paternelle hiérarchisés :

  • la présomption de paternité dans le chef du mari ou de l’ex-mari de la mère,
  • la reconnaissance si la paternité n’est pas établie en vertu du mariage de la mère,
  • le jugement si la paternité n’est établie, ni sur une base légale, ni volontairement par le biais d’une reconnaissance.

A / La présomption de paternité

1 / Principes : la filiation automatique par l’effet de la loi

  1. L’enfant né pendant le mariage de sa mère est présumé avoir pour père le mari de celle-ci, même s’il a été conçu avant le mariage.
  2. L’enfant qui naît moins de 300 jours après la dissolution (par divorce ou décès) ou l’annulation du mariage de sa mère est présumé avoir pour père le mari ou l’ex-mari de sa mère.
  3. Si la mère de l’enfant se remarie dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l’annulation de son précédent mariage, le second mari est réputé être le père de l’enfant, sauf si celui-ci conteste avec succès sa paternité. En pareil cas, c’est le premier mari qui est présumé être le père de l’enfant.

2 / Exception : la désactivation de la présomption de paternité quand l’enfant est conçu durant une séparation de fait

L’officier de l’état civil qui rédige l’acte de naissance peut désactiver la présomption, sans qu’il ne soit nécessaire d’introduire une procédure judiciaire pour contester la paternité du mari de la mère.

Cette désactivation peut intervenir d’office ou à la demande de l’un des époux, voire des deux, pour autant qu’ils aient vécu séparément de façon ininterrompue durant la période légale de conception de l’enfant (du 300ème jour au 180ème jour avant la naissance), et ce, dans trois hypothèses :

  1. L’enfant a été conçu pendant une procédure de divorce et est né plus de 300 jours après la fixation de résidences séparées des époux, en vertu d’un accord ou d’un jugement du tribunal de la famille. ( La séparation et  Le divorce ).
    La mère ou le père légal doit communiquer ces informations à l’officier de l’état civil, en se munissant de toutes les pièces justificatives, avant ou au moment de la déclaration de naissance.
    Le père biologique, lui, ne peut solliciter la désactivation de la présomption de paternité.

  2. L’enfant a été conçu durant une séparation de fait organisée par le tribunal de la famille et est né plus de 300 jours après un jugement autorisant les époux à résider séparément et moins de 180 jours après que cette mesure a pris fin (si elle était limitée dans le temps) ou après la réunion de fait des époux. ( La séparation et  Le divorce ).
    Tout comme dans l’hypothèse précédente, la mère ou le père légal doit communiquer ces informations à l’officier de l’état civil, en se munissant de toutes les pièces justificatives, avant ou au moment de la déclaration de naissance.
    De même, le père biologique ne peut solliciter la désactivation de la présomption.

  3. L’enfant a été conçu alors que les époux sont inscrits à des adresses différentes et est né plus de 300 jours après ce changement d’adresse (pour autant qu’ils n’aient pas été réinscrits ensemble par la suite).
    Sauf déclaration conjointe des époux au moment de la déclaration de naissance afin d’obtenir le maintien de la présomption, cette présomption sera désactivée d’office.
    A l’inverse des deux hypothèses précédentes, l’officier de l’état civil vérifie d’initiative si les époux vivent à des adresses séparées, en consultant le registre de la population.
Image

3 / L’action en contestation de paternité du mari de la mère

  1. Une procédure judiciaire est indispensable dans ce cas, dans la mesure où l’officier de l’état civil ne peut modifier les mentions figurant dans l’acte de naissance, même si toutes les parties intéressées sont d’accord sur la modification demandée.

    La demande devra être introduite devant le tribunal de la famille qui a déjà eu à connaître des précédents litiges familiaux entre les parties, le cas échéant.

    A défaut, le tribunal de la famille compétent sera celui du domicile ou de la résidence habituelle de l’enfant.

    Lorsqu’il s’agit d’une première demande formulée devant le tribunal de la famille, les parties pourront déterminer de commun accord le tribunal qui sera territorialement compétent pour connaître de leur dossier familial ( Les procédures judiciaires ).

  2. Les titulaires de l’action sont strictement énumérés par la loi. Il s’agit de :

    → la mère,
    le mari ou l’ex-mari de la mère,
    la femme qui revendique la co-maternité,
    l’enfant,
    les ascendants et descendants du mari (si celui-ci est décédé sans avoir agi et en étant encore dans le délai utile pour ce faire),
    l’homme qui se prétend le père biologique de l’enfant.

    Ce dernier dispose de l’action deux en un, qui met à néant la paternité légale du mari et permet d’établir la sienne à la place.

  3. Les délais varient en fonction du titulaire de l’action :

    → la mère : dans l’année de naissance de l’enfant,
    le mari ou l’ex-mari : dans l’année de découverte du fait qu’il n’est pas le père de l’enfant,
    les ascendants et descendants du mari : dans l’année du décès du mari ou de la naissance de l’enfant, pourvu que le mari lui-même ait encore été dans le délai utile pour contester sa paternité,
    le père biologique : dans l’année de la découverte du fait qu’il est le père de l’enfant (il est le seul qui peut agir avant la naissance),
    l’enfant : entre ses 12 et ses 22 ans ou, au-delà de son 22ème anniversaire, dans l’année de la découverte du fait que le mari de sa mère n’est pas son père biologique (durant sa minorité, le mineur agit via un tuteur ad hoc qui le représente). Ce délai a toutefois été jugé anticonstitutionnel, si bien que l’action de l’enfant se prescrit suivant le délai ordinaire de 30 ans,
    la femme qui revendique la co-maternité : l’action de la femme qui revendique la co-maternité doit être intentée dans l’année de la découverte du fait qu’elle a consenti à la conception.

L’action en contestation de paternité n’est pas recevable si l’enfant jouit de la possession d’état vis-à-vis du mari (ou ex-mari) de sa mère, qui aurait vécu pleinement sa paternité et aurait élevé l’enfant comme le sien (cette fin de non-recevoir a également été jugée inconstitutionnelle, de sorte qu’il ne s’agit plus d’une fin de non-recevoir absolue).

La preuve de la non-paternité du mari (ou de l’ex-mari) de la mère à l’égard de l’enfant est souvent rapportée par une expertise génétique (obligatoire si c’est le père biologique qui agit).

Néanmoins, un mode de preuve simplifié (la dénégation de la paternité) peut être utilisé, notamment dans l’hypothèse où la paternité aurait pu être désactivée lors de la déclaration de naissance.

b / La reconnaissance

La reconnaissance suppose que la filiation de l’enfant ne soit pas déjà établie vis-à-vis d’un autre homme.

Elle peut éventuellement précéder la naissance. On parle en ce cas de reconnaissance prénatale. Celle-ci ne sortira ses effets qu’à la condition que l’enfant naisse vivant et viable.

Elle est effectuée devant un officier de l’état civil, dans l’acte de naissance, ou dans un acte de reconnaissance séparé.

Si l’acte de reconnaissance est unilatéral, il est néanmoins soumis à certains consentements (de la mère et/ou de l’enfant).

En cas de refus de consentement(s) et pour autant que ce refus n’émane pas de l’enfant majeur ou émancipé, le candidat à la reconnaissance peut demander au tribunal de la famille de passer outre, en l’autorisant malgré tout à reconnaître l’enfant.

Le juge refusera d’accorder cette autorisation s’il est établi que le/la candidate à la reconnaissance n’est pas le père biologique de l’enfant. Il peut également refuser de faire droit à la demande si l’établissement du lien de filiation envers le père biologique est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Enfin, il est possible de contester la reconnaissance par une procédure judiciaire qui est réservée à la mère, à l’enfant, à l’auteur de la reconnaissance et à l’homme qui revendique la paternité de l’enfant ( Les procédures judiciaires ).

Les délais et exigences en matière de preuve sont les mêmes qu’en cas de contestation de paternité.

Pour rapporter la preuve du caractère mensonger de la reconnaissance, l’expertise génétique est privilégiée. Elle est indispensable quand l’action est entamée par le père biologique, qui doit établir sa propre paternité.

c / Le jugement

Pour autant que l’enfant ne bénéficie pas d’une présomption de paternité et n’ait pas été reconnu volontairement, sa filiation paternelle peut être établie par un jugement.

L’action en recherche de paternité appartient à l’enfant lui-même, à ses père et mère et à ses descendants (si l’enfant est décédé avant l’âge de 25 ans).

Elle doit être intentée dans un délai de 30 ans mais l’enfant dispose en réalité d’un délai de 48 ans pour introduire son action, dans la mesure où le délai est suspendu pendant sa minorité. Le délai peut encore être prolongé dans l’hypothèse où l’enfant découvre l’identité de son père après ses 48 ans.

Les conditions de l’action en recherche de paternité sont identiques à celles applicables en matière de reconnaissance.

La loi prévoit trois modes de preuve de la filiation :

  • la possession d’état à l’égard du père prétendu,
  • tout moyen légal, dont l’expertise génétique, à défaut de possession d’état,
  • la présomption, si le père prétendu a entretenu des relations sexuelles avec la mère durant la période légale de conception (du 300ème au 180ème jour avant la naissance), sauf s’il existe des doutes (par exemple parce que la mère aurait entretenu simultanément plusieurs relations avec des hommes différents).

Enfin, si l’homme dont la paternité a été recherchée et établie judiciairement est marié, son conjoint reçoit une copie du jugement.

D / La filiation du co-parent

Pour devenir parents, les couples d’hommes peuvent suivre deux voies : soit adopter un enfant confié aux services d’adoption en Belgique ou à l’étranger, soit recourir à une gestation pour autrui (GPA), suivie d’une reconnaissance et d’une adoption plénière intrafamiliale.

La grande majorité des pays étrangers refusent de confier les enfants à adopter à des couples de personnes de même sexe ou à des célibataires.

En droit belge, un enfant peut être adopté plénièrement de manière conjointe par deux hommes.

Si l’adoption est faite par un homme seul, son époux ou compagnon pourra ensuite établir sa paternité par la voie de l’adoption plénière intrafamiliale conformément aux conditions fixées par la loi. 

Image

8.3

Le nom de l’enfant

a / La double filiation est établie simultanément

Lorsque l’enfant dispose d’une double filiation maternelle et paternelle établie simultanément, il peut porter, soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms, dans l’ordre choisi par les parents.

Ce choix s’opère une seule fois et de manière irrévocable, lors de la déclaration de naissance, pour autant qu’il s’agisse du premier enfant et qu’il soit né après le 1er juin 2014.

A défaut d’accord entre les parents, l’enfant porte le double nom, dans l’ordre alphabétique.

" Les parents
qui sont d’accord
peuvent choisir
le nom de l’enfant "

b / Les filiations maternelle et paternelle ne sont pas établies simultanément

En pareille hypothèse, l’enfant porte d’abord le nom de la mère.

Le changement de nom peut intervenir du commun accord des père et mère par une déclaration, dans un délai d’un an à dater de la reconnaissance de l’enfant, de la décision définitive établissant la filiation paternelle ou, si le père est marié, à dater du jour qui suit la notification ou la signification du jugement.

La déclaration doit intervenir avant la majorité de l’enfant.

Si la mère n’est pas d’accord avec le changement de nom, le père n’a pas de recours.

c / La filiation est établie après une action en contestation de maternité ou de paternité

En cas de modification de la filiation pendant la minorité de l’enfant, le juge acte le nouveau nom de l’enfant choisi, le cas échéant, par les père et mère.

A défaut de choix, l’enfant portera le double nom, dans l’ordre alphabétique, sans que la mère ne puisse s’y opposer utilement.

En cas de modification de la filiation après la majorité de l’enfant, celui-ci peut choisir de conserver son nom d’origine ou, dans l’hypothèse où la nouvelle filiation a été établie suite à une action simultanée en contestation et établissement de la filiation, choisir de porter le nom de sa mère, de son père ou le double nom.

Plan du site


Extranet

Espace réservé exclusivement
aux avocats du barreau de Bruxelles

Palais de Justice

Place Poelaert - 1000 Bruxelles
T. 02.508.66.59
F. 02.508.64.53
ordre@barreaudebruxelles.be